Robert Mamoun - itw

Plongez au cœur des exosomes sur le Congrès Polepharma Biotesting avec le champion français Ciloa !

Spin-off du CNRS et de l’Université de Montpellier, Ciloa a développé une expertise unique dans la caractérisation et la personnalisation in vivo d’exosomes. Ces minuscules vésicules extracellulaires naturelles sont produites et utilisées comme messagers par les organismes vivants, avec d’incroyables opportunités thérapeutiques. Alors qu’il entre dans la production clinique de son premier vaccin, Robert Mamoun, son président fondateur, viendra partager ses enseignements et perspectives de plus de 13 ans sur le sujet, lors du prochain Congrès Polepharma du Biotesting, les 5 et 6 juin, à Évreux. Une conférence Premium exclusive à ne pas manquer !

Quel a été le point de départ de l’aventure Ciloa ?

Après l’obtention de mon doctorat en biologie moléculaire à l’université Victor Segalen de Bordeaux, j’ai été directeur de recherche pendant 35 ans à l’institut Inserm. J’ai notamment travaillé sur les oncorétrovirus et les lentivirus, mais aussi et surtout les exosomes ! Mes travaux ont abouti au dépôt de brevets autour d’une technologie totalement disruptive, qui a donné naissance à Ciloa en 2011. Nous avons été les premiers sur le marché à faire du bioengineering, c’est-à-dire de la personnalisation d’exosomes à façon avec les protéines désirées. Un domaine complètement nouveau à cette époque et que nous avons été les premiers à défricher : savoir quel développement mener, comment l’industrialiser et convaincre les big pharma de l’intérêt des exosomes… Notre « traversée du désert » a duré cinq ans, avant que des compétiteurs n’arrivent sur le marché aux États-Unis et au Royaume-Uni, investissent des millions et fassent du buzz autour des exosomes ! Mais cette période de découverte scientifique en tant que précurseur, nous a permis d’accumuler une expérience unique. 

Qu’est-ce qui est nouveau avec l’exosome ?

L’exosome est une petite vésicule extracellulaire naturelle, de la taille d’un virus, que tous les organes vivants produisent en continu. On pourrait la comparer à un colis postal, constitué de protéines, qui va se diriger sur un organe précis en portant des messages à l’intérieur. Ce système de communication est aujourd’hui abouti, complexe et efficace, ayant été peaufiné par la nature depuis des millions d’années. On s’est aperçu, dans nos travaux, que les virus pirataient cette messagerie, permettant aux exosomes de sortir et d’être produits. Nous avons décidé à notre tour de pirater cette machinerie, en prenant un petit bout de la protéine d’un virus, qui nous sert de locomotive, pour envoyer la protéine désirée sur l’exosome identifié. Notre technologie consiste ainsi à modifier l’adresse du destinataire ou la teneur du message des exosomes pour cibler un organe ou délivrer un contenu thérapeutique. Elle est aujourd’hui très robuste puisque nous l’utilisons avec 95% de succès avec des protéines. Nous avons développé un pipeline de 130 molécules d’intérêt médical. 

Avec quelles nouvelles opportunités thérapeutiques à l’avenir ? 

Nous utilisons les exosomes – comme ils le sont dans la nature – en tant que transmetteurs et amplificateurs d’information. Ce qui nous a permis de développer deux applications sur les vaccins et les vecteurs thérapeutiques. Dans le cadre des vaccins, les cellules captent les informations d’un pathogène qui arrive sur la peau, les mettent sur les exosomes et les transfèrent dans les ganglions pour déclencher une réponse immunitaire. Pour exploiter ce phénomène, on place les protéines du virus à la surface de l’exosome. Cela ressemble à un virus – sans en être – et cette technologie est hyper performante pour déclencher des réponses Immunitaires. Notre pipeline de médicaments est ainsi constitué de la majorité des virus émergents actuels : covid, VIH, Ebola, zika, chikungunya, dengue, … avec plusieurs protocoles de recherche en cours. Nous avons ainsi été lauréat du plan de relance MIE pour le vaccin Covid. Autre exemple avec chikungunya : les travaux menés avec l’Institut Pasteur démontrent que notre médicament protège 100% des souris vaccinées. 

L’approche avec les vecteurs thérapeutiques est différente : sur le colis postal, on change l’adresse du destinataire pour l’adresser à un nouvel organe. Et si l’on joint un message thérapeutique, on a la capacité de changer le devenir de cet organe : le tuer s’il s’agit d’une tumeur, le régénérer entièrement ou lui dire d’envoyer de nouveaux signaux pour soigner une maladie. Nous avons ainsi lancé plusieurs applications dans l’oncologie, et une autre sur des maladies métaboliques qui est bien avancée à partir de la molécule adiponectine, connue pour son effet anti-inflammatoire, anti-stress oxydatif et régénératif sur tous les organes : foie, pancréas, cœur, vaisseaux sanguins, rétine, peau, … Personne jusqu’ici n’a réussi à produire cette protéine, avec une forme de tige et fleur en bouquet, ce qui est indispensable à sa fonctionnalité et sa stabilité. Nous avons réussi à la modifier en ancrant le bouquet de fleurs par la tige dans l’exosome. Ces fleurs vont interagir avec l’organe cible. Cette ingénierie fait partie de notre expertise. Nous avons démontré, en partenariat avec des CROs et un laboratoire de l’Inserm, que le développement était fonctionnel. L’adiponectine, associée notamment aux médicaments actuels contre l’obésité et le diabète, est très efficace et double la perte de poids et de gras blanc. Contrairement à ces médicaments seuls, la combinaison redonne une totale sensibilité à l’insuline en jouant sur le pancréas, et ceci sans perte musculaire. L’étape suivante en clinique sera de démontrer l’efficacité et la sécurité de cette association.

Quels défis avez-vous relevé au niveau du développement ?

En l’espace de 13 ans, nous avons développé un savoir-faire énorme dans la production, la purification et la qualification des exosomes. L’exosome a la taille d’un virus mais est plus difficile à travailler. C’est un ballon de baudruche qui, lorsqu’il est posé, commence à s’étaler. Si l’on souhaite le filtrer, il se passe le phénomène « Barbapapa » : l’exosome va changer de forme, diminuer en taille et passer à travers plus petit que lui… Dans un milieu hypotonique, il va gonfler et exploser. Si on le centrifuge trop fort, il va fusionner avec les autres exosomes. Le jeu est donc d’arriver à le travailler d’un bout à l’autre de la chaîne pour obtenir un résultat intègre et uniforme à la fin.

Quels enseignements pouvez-vous partager ?

Il est important de travailler avec des cellules adhérentes qui soient dans le meilleur état possible et un milieu de culture hyper propre dès le départ. Si des cellules meurent, nous aurons des petites membranes mais aussi des vésicules apoptotiques de la taille des exosomes, que l’on ne pourra jamais purifier à la fin. Nous avons besoin de lignées stables de cellules qui ont été personnalisés (« bioengineered ») pour produire en continu les exosomes avec la protéine que l’on souhaite. C’est un socle nécessaire pour aller en clinique. Il faut ensuite les cultiver dans des conditions adéquates pour limiter les morts cellulaires, puis concentrer les exosomes dans des filtrations différentes pour les trier à la bonne taille (0,1 microns). Vient ensuite l’étape particulière de chromatographie que nous avons personnalisée à nos besoins pour éliminer certains contaminants afin d’arriver à un résultat en suspension homogène et de qualité. Notre procédé est aujourd’hui reproductible, permettant d’avoir toujours la même quantité et qualité d’exosomes. En 2023, nous avons ainsi réalisé 20 types d’exosomes différents, atteignant une production totale de 100 000 milliards d’exosomes en 2023. Le Guinness des records en la matière !

Qu’en est-il au niveau du biotesting des exosomes ?

En plus des analyses réalisées régulièrement sur la qualité, l’analyse des composants biologiques, les bactéries, les mycoplasmes, les virus, endotoxines, … il nous faut montrer que l’on n’a pas de petits résidus de cellules, mais que des protéines spécifiques des exosomes. Pour y arriver, nous avons développé des moyens d’analyse spécifiques aux exosomes. Nous avons testé tous les appareils du marché pour choisir celui qui nous donne la taille, le nombre et la distribution des exosomes. Cet outil nous révèle aussi les protéines par fluorescence, ce qui est un autre avantage. D’autres moyens chimiques ont permis d’expérimenter différents anticorps et protéines par électrophorèse et révélation. Ce que l’on appelle des marqueurs de protéines externes et aussi internes des exosomes. Nous avons choisi ceux qu’il fallait pour les associer aux bonnes protéines et aux bons anticorps. On a ainsi validé un procédé qualitatif et quantitatif spécifique aux exosomes. Nous l’avons personnalisé pour l’adiponectine, mais aussi nos vaccins. Un dernier point est de démontrer que le procédé est reproductible dans les ranges recherchés. Nous avons ainsi défriché cet univers particulier du biotesting des exosomes, en bénéficiant de l’expertise d’une task force (ISEV) qui s’intéresse aux moyens d’analyses et de qualification de ces produits. 

Où se situe la réglementation sur ces nouveaux médicaments ?

Nous sommes en échange constant avec les autorités réglementaires très demandeuses d’information sur les exosomes pour mieux les connaître. Un consensus existe aujourd’hui pour reconnaître l’exosome comme un médicament biothérapeutique innovant, qui entrerait dans une catégorie similaire à celle des anticorps thérapeutiques, mais en plus complexe. On distingue aujourd’hui deux grandes familles d’exosomes : celles produites par des cellules connues qui portent la protéine d’intérêt – l’axe de notre travail – et la majorité des autres issues des cellules souches de patients. Il s’avère, en effet, que tous les effets thérapeutiques de la cellule souche se retrouvent dans l’exosome. Les laboratoires travaillant dans ce domaine ont donc cherché à caractériser et maîtriser ce processus de développement pour qu’il soit reproductible. Mais c’est un processus compliqué, qui a nécessité 13 années de recherche pour Ciloa afin de développer le procédé analytique, en même temps que le produit biothérapeutique. Nous arrivons aujourd’hui à une nouvelle étape de notre aventure entrepreneuriale, marquée par le transfert de notre exosome-adiponectine à une CDMO pour le produire en conditions GMP pour l’étape préclinique et la première injection à l’homme. 

Pourquoi êtes-vous présents au Congrès Polepharma du Biotesting ?

Compte-tenu de notre expérience, Denis Marchand et Marc Meichenin m’ont invité pour présenter « la caractérisation d’exosomes natifs ou édités pour une utilisation biothérapeutique » lors d’une conférence premium, qui aura lieu le 5 juin 2024. L’idée étant de se focaliser sur cette étape clé du biotesting pour améliorer le time-to-market de ces nouveaux biomédicaments. Au-delà, l’événement est pour nous une opportunité de rencontrer les professionnels de ce secteur de niche qu’est le biotesting, un domaine qui ne relève pas de notre expertise. Avec l’opportunité de pouvoir travailler en réseau et avec des partenaires pour avancer vers les phases cliniques de développement. Un autre enjeu, pour nous, est de réaliser une veille sur les moyens d’analyse plus performants et pointus qui existent aujourd’hui et dont nous pourrions avoir besoin en matière de transcriptomique, la spectrographie de masse… 

Quel message voulez-vous faire passer ?

Chez Ciloa, nous sommes animés par un double intérêt. Le premier est de démontrer que les exosomes peuvent être un produit biothérapeutique, qui a le potentiel d’entrer en clinique chez l’homme, puisque nous avons relevé tous les défis liés au développement. Il existe aujourd’hui des essais cliniques réalisés avec des exosomes de cellules souches, mais aucun avec des exosomes personnalisés tels que proposés par Ciloa. En parallèle, je remplis aujourd’hui des dossiers de demandes de financement européen pour lesquels la qualification des exosomes est toujours considérée comme un challenge. Et c’est un gros problème : car ce n’est plus un challenge avec Ciloa ! Nous avons démontré que l’on pouvait avoir une technologie robuste qui donne toujours le même résultat. C’est le second message à faire passer en priorité sur ce congrès, et dans nos échanges avec toutes les personnes présentes, pour aller plus loin dans les essais cliniques avec les Big Pharma. 

Après cette conférence incontournable du 5 juin pour le réseau Polepharma, quelle sera la prochaine étape clé pour Ciloa en 2024 ?

Ciloa regroupe aujourd’hui une douzaine de chercheurs, ingénieurs et techniciens à Montpellier. Nous disposons d’un laboratoire de 500 m² tout équipé avec une salle blanche de 70 m² pour conduire des développements GMP-like. Nous intervenons sur tout le procédé de développement des exosomes : de la construction moléculaire des gènes jusqu’à la transformation des cellules, puis l’établissement de lignées cellulaires stables qui seront la base pour fabriquer un médicament de façon reproductible. Nous assurons également la culture cellulaire en grosse quantité dans notre salle blanche, l’ensemble du procédé de production et de purification, ainsi que les systèmes qualité. Pour couronner nos premiers succès, Ciola a reçu le iTech Award de Sanofi en 2020. Nous avons obtenu des financements du plan France Relance pour développer notre vaccin covid, ainsi que le soutien de la région Occitanie. Une nouvelle étape aujourd’hui est la recherche de financements pour aller en clinique. Nous avons de nombreux retours d’investisseurs intéressés par nos résultats prometteurs et annonciateurs d’un développement clinique qui peut être rapide. Nous avons également postulé pour bénéficier de subventions dans le cadre du plan biothérapie et bioproduction de France 2030. Nous pouvons contribuer à l’objectif des 20 biomédicaments à réindustrialiser sur notre territoire : nous en avons au moins un prometteur pour avancer dans le traitement de l’obésité, le diabète et la NASH et, potentiellement, dans les maladies cardiovasculaires, le psoriasis, la rétinopathie liée à l’âge, au stress du nouveau-né, … Nous avons également des travaux en développement dans l’oncologie. De fait, nous sommes aussi un bon exemple réussi de développement académique vers l’industriel. Voici un autre message positif à transmettre sur le congrès ! 

Propos recueillis par Marion Baschet Vernet

Cet article vous a plu ? Partagez-le avec vos collègues